Ecrit par Henri Prévot quelques jours
avant le second tour de
l'élection présidentielle de 2017
Voter
Macron quand même !
Un des motifs de la création de Ste
Geneviève Autrement
en 1990 a été de contrer le FN aux élections
municipales. Aujourd'hui, les motifs de voter pour E. Macron ou M.
Le Pen et ceux de ne pas voter pour
l'un ou pour l'autre sont nombreux. En voici un qui me paraît
important
: nous devons préserver une bonne entente avec les pays voisins
et tout
particulièrement avec l’Allemagne. Pour cela, il faut avoir avec l'Allemagne
une relation équilibrée.
Aujourd'hui, dans cette relation et au sein de l'Union
européenne, nous sommes en situation de
faiblesse. Il est donc indispensable que nous retrouvions un
équilibre
économique
et financier. Il y va de
l'avenir de la France, de sa place dans le monde et de sa
sécurité.
J'aurais certes préféré F. Fillon à E.
Macron mais la
question ne se pose plus. Malgré toutes les réserves et
les questions
soulevées par la
candidature de E. Macron, je voterai pour lui.
Entre
E. Macron et M. Le Pen, peut-on s’abstenir de choisir ? Certes,
pour montrer que ni l'un ni l'autre ne conviennent. Mais c’est alors
laisser les autres choisir, c’est se retirer du jeu. Dans six mois,
dans un an, si les choses tournent mal, quel que soit le
Président ceux qui n’auront pas voté pour lui pourront
dire « vous voyez bien qu’il est
mauvais ! ». Si l'on décide de s'abstenir pour
pouvoir dire cela plus tard ce serait une posture plutôt
lâche et même perverse.
Pour
ma part, je préfère choisir. Aujourd’hui, choisir, ce
n’est pas la même chose que prendre parti pour.
En
général, pour tous ceux qui s’intéressent à
la politique – et la très grande majorité s’y
intéresse au moment des élections notamment municipales
et nationales – les campagnes électorales sont des moments
d’animation parfois ardente, le plus souvent joyeuse. On discute, on
imagine, on se projette dans l’avenir, on se dit que si l’on ne gagne
pas cette fois, ce sera pour la prochaine et sur le terrain les
militants adverses qui se rencontrent se saluent (en
général).
Mais
cette fois-ci, depuis quinze jours, quelle tristesse ! Quelle
morosité ! Mais
il faut choisir.
On
ne connaît pas Emmanuel Macron, on s’étonne qu’il affirme
que l’on peut fort bien prendre les rênes du pouvoir sans avoir
jamais été élu nulle part auparavant (n'est-ce pas
une forme de mépris pour ceux qui honnêtment se vouent
à la politique ?), il déclare à la
télévision algérienne que la colonisation est un
crime contre l’humanité (affirmer cela dans ces circonstances
est scandaleux ! C'est montrer que l'on igore l'histoire, que l'on
ignore que Jules Ferry était colonialiste pour apprendre le
français aux Algériens - qui oserait dire aujourd'hui
qu'il a eu tort ?). E. Macron dit qu’il n’y pas de civilisation
française (évidemment, en jouant sur le mots et en
passant du temps à expliquer ce que l’on veut dire, on peut le
dire, mais pas ainsi, pas pendant une campagne à
l’électron présidentielle). Il se dit favorable à
la PMA pour les couples de lesbiennes ou les femmes seules, banalisant
ainsi les naissances d’enfants sans père et, quoi qu’il en dise,
ouvrant la voie à la GPA (au nom d’une égalité de
droits entre hommes et femmes qui ne tient pas compte de la
différence des sexes).
On
ne sait rien de lui, rien de sa psychologie, de ce qui le fait
réagir ; on a l'impression qu'il n'aime pas la contradiction ;
qu'il a du mal à se mettre à la place de l'autre ; disant
ce qu'il pense, il a des paroles méprisantes ; on le voit
s'exalter au-delà de la raison, ce qui serait sympathique dans
une boom mais à la tête de l'Etat ? Rien de gênant,
peut-être, mais on n'en sait rien.
Ce
n’est pas tout : on ne sait pas qui inspire cet homme nouveau
venu, quelle est l’influence de sa femme (elle semble très
influente alors que ce n’est pas pour elle que l’on vote), quelle est
l’influence de ceux qui l’ont ainsi porté au pinacle ; et
l’on est obligé de voir qu’il a le soutien d’une très
grande partie de la presse et que celle-ci est la
propriété de personnes ayant acquis leur fortune dans les
affaires.
Ce
n'est pas tout : à l'entendre, on ne sent pas qu'E. Macron est
préoccupé par la montée progressive dans certains
quartiers d'un genre de vie qui n'est pas celui de la France ; un genre
de vie prétendument dicté par la religion musulmlane - je
dis prétendument car dans bien des pays musulmans il n'en
est rien. Ces obligations sont imposées par des prêches
sur Internet ou dans certaines mosquées, par une pression de
voisinage, parfois appuyées financièrement (on donne de
l'argent pour que les jeunes filles portent le voile), les jeunes
filles qui s'habillent comme leurs amies sont houspillées, voire
maltraitées, les femmes sont malvenues dans les cafés -
d'ailleurs dans certains quaartiers on en voit fort peu dehors. Cette
progression d'un particularisme et d'un communautarisme fondés,
du moins selon les discours, sur la religion est tout aussi
préoccupante pour notre société que le terrorisme.
E. Macron fera respecter la loi ; fort bien mais la loi et les
réglements ne suffiront pas : on ne voit pas qu'une loi
interdise aux femmes de refuser de serrer la main d'un homme ! C'est
beaucoup plus profond. F. Fillon avait fort bien exprimé cela
dans son livre sur le totalitarisme islamique. E. Macron, ne
semble pas en avoir pris la mesure.
Ce
n’est pas tout : on admire son énergie, son
intelligence ; on peut être sensible à son
côté charmeur. Mais on est stupéfait par sa chance.
Le retrait de F. Hollande, la mise à l’écart de A.
Juppé (qui, s’il avait été en lice, ne laissait
guère de chance à E. Macron), la mise à
l’écart de E. Valls et la victoire aux primaires de gauche de B.
Hamon (qui n’avait pas le charisme suffisant pour porter et faire
valoir ses idées plutôt décoiffantes),
l’efficacité de J.L. Mélanchon qui a surclassé le
candidat socialiste et les difficultés de F. Fillon. Cette
chance de E. Macron est ahurissante. Sans suspecter l’existence d’un deus ex machina qui tirerait toutes les
ficelles, il n’est pas interdit de penser qu’il en est une qui a
été tirée : il y a probablement quelqu’un qui
a donné des informations au Canard enchaîné au
sujet de F. Fillon et de son épouse. Il y a bien quelqu’un qui a
décidé de sortir cette histoire après la primaire
de droite et peu avant l’élection présidentielle. Ensuite
le Canard a procédé comme à son habitude en ces
circonstances : rappelons-nous le crédit d’impôt de
Chaban-Delmas ou les diamants offerts à Giscard par Bokassa. Même
méthode, mêmes effets, immédiats ou
différés. De plus la justice a décidé de ne
pas tenir compte des effets de son action sur le déroulement du
débat, c'est-à-dire sur le fonctionnement de la
démocratie. Les grosses maladresses de Fillon, abasourdi par
cette attaque, ajoutèrent à la chance insolente d’E.
Macron.
Malgré
tout cela, malgré cette
« immaturité » dénoncée par
Alain Juppé et manifestée au cours de la campagne, je
voterai quand même Macron.
Car
une élection de M. Le Pen serait, pour la France, la source de
graves difficultés et de risques à venir.
Pour
se déterminer, je ne suis pas sûr qu’il faille ici
invoquer des « valeurs ». Lorsque M. Le Pen
déclare qu’il faut strictement limiter le droit des
étrangers à s’installer en France, est-ce par
« refus de l’autre », par
« xénophobie », par « repli sur
soi » ou est-ce simplement par réalisme ? Parmi
les critiques du programme de M. Le Pen, il en est qui
interprètent les mesures qu’elle compte prendre à
l’égard des étrangers comme étant des mesures
devant s’appliquer à l’ensemble des immigrés, ce qui peut
tromper l’électeur qui qualifie souvent d’immigré un
enfant né en France de parents et même de grands-parents
étrangers (ainsi dans l'expression courante "immigré de
seconde génération"). Il serait insupportable, évidemment,
d’étendre à ces Français d’origine immigrée
et aux étrangers installés depuis longtemps en France les
restrictions que M. Le Pen entend prendre pour freiner l'arrivée
de nouveaux étrangers, mais on lui fait là un faux
procès. Qu’y a-t-il de scandaleux à faire une
différence entre Français expartrié qui revient en
France et un étranger qui veut s'y installer ? D'ailleurs, c'est
bien ce qui se fait depuis toujours et partout. Et, pour faire preuve
d’hospitalité, pour accueillir quelqu’un dans sa maison, le
minimum est que les murs de la maison tiennent bon et que le toit ne
menace pas de s’effondrer. Le Pape François avait exalté
la générosité de pays qui accueillent des
étrangers en grand nombre puis il a dit que l’exercice de cette
générosité devait être mesuré aux
possibilités d’accueil, au risque de créer des troubles
sociaux. Il faut un équilibre entre ouverture et
préservation de la cohésion nationale ; pour le
trouver il faut éviter des positions à l’emporte
pièce.
Et
il y a un moyen de démontrer notre
générosité à l'égard de
l'étranger, un moyen qui apporterait un peu de paix et de
sérénité :
financer et mettre en oeuvre un programme massif d'aide aux pays en
développement de sorte que leurs habitants forment leurs projets
chez
eux. Ceux qui chez nous, par générosité, nous
exhortent à accueillir un
grand nombre de réfugiés seraient-ils d'accord pour payer
1000, 2000 €
de plus par an dans ce but ou, à défaut de moyens
financiers,
seraient-ils prêts à travailler gratuitement quelques
jours pour que
leur entreprise puisse ainsi contribuer ?
Il
faut surtout faire en sorte que les enfants d’immigrés, qui sont français, soient
heureux et fiers d’être français. Ce devrait une
priorité de l’action de l’Etat, des communes, des services
publics et des bénévoles - de nous tous. M. Le Pen ne dit
rien de différent mais le risque existe que, si elle est
élue, le mécontentement que l'on sent monter contre les
"immigrés" et qui est aujourd'hui contenu se traduise en
violence. Néanmoins, c'est médire que d'accuser M. Le Pen
de racisme.
Par ailleurs, on reproche à M. Le Pen d’être
influencée par des anciens de son parti dont les pensées
sont proches du fascisme ou, du moins, qui sont favorables à des
mesures drastiques pour contrôler la justice, formater les
esprits, limiter la liberté de la presse, préparer le
terrain vers un régime très autoritaire voire
dictatorial. On a vu dans l’histoire du siècle dernier qu’une
démocratie, par glissements successifs, peut donner
naissance à une dictature. Ce n’est donc pas impossible. M. Le
Pen s’en défend vigoureusement. Certes, son comportement au
cours du débat avec E. Macron donne une impression contraire. Ce
risque de dérive dictatoriale, que certains jugent
très improbable, est-il un motif suffisant pour s’opposer
à elle ? Peut-être.
En
tout cas, il y a un autre motif de
s'opposer à elle, qui me paraît à la fois sûr
et déterminant : son programme économique.
Dans
la situation financière et économique que nous
connaissons, ramener l’âge de la retraite à 60 ans,
augmenter le SMIC comme elle entend le faire, augmenter le nombre de
fonctionnaires, etc. - ce serait nous enfoncer dans une situation
insupportable. Prétendre retrouver un équilibre
économique et financier avec « la
maîtrise » de notre monnaie, c’est à dire
sortir de l’euro et retrouver le franc pour le dévaluer de 20
à 40 %, c’est un mensonge. Même lorsque le budget est
équilibré, chaque année il faut emprunter pour
remplacer l’emprunt que l’on rembourse. Si l’on rembourse en francs,
les prêteurs, qui auront été grugés,
exigeront, pour les nouveaux emprunts des taux d’intérêt
très élevés : un point d'intérêt de
plus sur l'ensemble de notre dette, c'est plus de 20 milliards d'euros
par an. Chaque année nous remboursons 10 % de la dette. 5 points
d'intérêt de plus c'est donc chaque année 10 milliards de plus
que l'année prcédente. Une catastrophe pour nos
équilibres financiers.
Dévaluation,
taux d’intérêt élevés, cela signifie que
tous les épargnants, gros ou petits, seront floués. En
réalité, c’est ainsi que seront financées les
nouvelles dépenses. et les intérêts de la dette
extérieure.
Par
ailleurs, si nous limitons les importations, même celles qui
proviennent de pays de l’Union européenne, par des quotas ou des
droits de douane, nous aurons droit à des mesures de
rétorsion, ce qui pénalisera durement l’emploi. C'est
notre place et notre belle image dans le monde qui sont
menacée
C’est
aussi l’avenir de l’Union européenne qui est en jeu. Plus :
l’avenir de la bonne entente entre les pays de l’Union. Plus encore,
l’avenir de la bonne entente entre la France et l’Allemagne. C’est cela
qui est le plus préoccupant.
Après
la guerre, l’Allemagne était extrêmement affaiblie. Les
responsables français ont compris que la paix ne serait possible
que si l’Allemagne était traitée à l’égal
des autres pays. Pour ne prendre que ces deux exemples, la France, en
proposant à l’Allemagne la Communauté européenne
du charbon et de l’acier (CECA) et en lui proposant, plus tard, de
coopérer à la fabrication d’un avion, lui a mis le pied
à l’étrier. Aujourd’hui, l’Allemagne est, du point de vue
économique et financier, plus forte que la France. Qu’on le
veuille ou non, et, peut-être, malgré elle, cette
domination de l’Allemagne se traduit sur le plan politique. Ce
déséquilibre, comme
tout déséquilibre, est lourd de risques. Il
crée des frustrations, il suscite des exigences qui tournent en
récriminations et sont suivies de refus qui sont ressentis comme
arrogants. Un mauvais état d’esprit peut faire remonter du
passé des aigreurs, des hostilités. Certes on ne ferait
pas la guerre à l'Allemagne dans les années à
venir. Mais, à considérer notre histoire, on n'oublie pas
que la bonne entente entre nos deux pays est une condition,
directe ou indirecte, de notre sécurité au sens large du
terme. Pour notre sécurité, il est donc essentiel de
retrouver avec l’Allemagne une situation équilibrée. Au
contraire, le programme de M. Le Pen aggrave le
déséquilibre entre nos deux pays.
C’est
une raison, pour moi une raisons certaine, de s’opposer à M. Le
Pen et à ses promesses insensées. Il faut s’y opposer,
non pas en nous abstenant et en espérant que le vote des autres
l’écarteront. Malgré toutes les réserves et les
questions soulevées par la candidature de E. Macron, je voterai
pour lui.
Il appartiendra aux prochains députés de l'aider et de le
contrôler pour pallier ce qui lui manque.
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